Lorsque Lee n’est pas en colère contre le monde, elle est en colère contre la vie. Cette vie qui continue sans son bon vouloir. Elle ne s’arrête pour personne. Les saisons continuent de défiler. La nature prospère. L’économie tourne. Les riches s’enrichissent. Les pauvres s’endettent. Lee est allée en prison.  Son époux est mort. Sa santé s’est dégradée. Elle a un cancer, Lee l’invincible. Lee, celle qui regarde la vie - sa Némésis - dans les yeux et lui crie d’aller se faire voir et qu’elle ne se laissera pas vaincre aussi facilement. Et voilà que la vie lui adresse son dernier coup de poing. Elle atterrit sur le sol, proscrite et blessée. Son esprit s’est embrumé. Ses pensées se sont noircies de nouveau. Lee a perdu espoir. Puis l’espoir a pris la forme des gens qu’elle aime, de ceux qui sont encore là. Lee n’abandonnera pas. Pour eux, pour lui. Il n’y a pas de monde qui lui semble juste. Il n’y a pas un monde qui lui semble paisible et joyeux. Et pourtant, la demoiselle s’accroche aux moindres brides de victoire. Elle ne gagnera sûrement pas la guerre mais elle peut gagner quelques batailles. Son regard emeraude se pose sur ses mains qui tremblent. Sur ses jambes qui sont en coton. Sa tête qui tourne. Elle a mal au crâne. Lee est épuisée et pourtant, la rouquine monte les marches deux par deux. Elle trébuche et se rattrape contre la barre en bois. Ses pas sont désordonnés, maladroits mais déterminés. Il ne lui faut pas bien longtemps pour se trouver devant la porte de sa sœur lauren. Ça fait un moment que la rousse essaie de se convaincre de s’y rendre. La vie s’est glissée entre elles. La vie avec ses occupations et ses obligations. Lee ne ressemble plus à grand chose ne cessent-ils de lui dire. Elle a perdu du poids. Son blouson en cuir est détendu sur ses épaules. La barmaid hésitante et soucieuse passe sa main dans sa crinière puis contre son front. Et si ce n’était pas le bon moment ? Y-a-t-il un bon moment ? Lee est bien placée pour reconnaître que non. Alors que la petite rouquine s’apprête à frapper à sa porte, celle-ci s’ouvre sur sa sœur. « Hey Lauren, désolée de débarquer sans prévenir. », s’excuse-t-elle avec un sourire. Sa respiration se coupe un instant dans l'attente, dans l'excitation. Elle ferme les yeux puis les ré-ouvre. Son cœur s'emballe dans sa poitrine. Does she know ? Can she tell ? Lee se sent coupable. Ses épaules s'affaissent. Elle songe à s'enfuir mais elle n'est plus cette personne anymore. Alors son regard s'abaisse sur le sol avant de se reposer sur sa petite sœur. Les mots lui écorchent les lèvres. « J'espère que je ne tombe pas à un mauvais moment. Il y a quelque chose dont il faut que je te parle si Ben ne l'a pas déjà fait... Je me voyais mal laisser un message sur ton répondeur. J'espère que tu comprends. » Ils ont l'effet de trois verres de tequilla dans son estomac. Elle a envie de se frapper. Elle aurait tellement préféré que tout cela ne soit qu'un cauchemar. Cependant, Lee a fini par accepter la fatalité des choses. Après tout, que peut-elle faire d'autre ?