'cause there's this tune I found
that makes me think of you somehow
and I play it on repeat
Until I fall asleep

la voix suave et sensuelle d'alex turner ne cesse de résonner aux oreilles d'adele. comme un écho lui rappelant sans cesse. avec sournoiserie. avec acharnement. le pas qu'ils ont franchi tous les deux. l'interdit qu'ils ont enfreint. comme deux enfants. comme deux insouciants. longtemps, elle a passé l'album. l'écoutait sans cesse. à en faire une overdose. mais jamais elle n'a aussi bien compris la complainte du chanteur. jamais elle ne s'est sentie concernée par des paroles. jamais elle ne s'est abandonnée aussi facilement à l'entente d'une chanson. adele, il lui est arrivé de porter ses doigts à ses lèvres, tenter d'y intercepter cette sensation de picotement qu'il lui avait laissée lorsque lentement, il avait rompu le lien. adele, il lui est arrivé de fermer les yeux. de se remémorer son visage. son regard. ses lèvres s'approchant dangereusement. irrésistiblement. et puis annabelle la sortait de ses rêveries. la ramenait durement à la réalité qui est la sienne. la leur. il est son employeur. elle est son employée. il est marié. elle n'est rien. juste la fille au pair. cette fille de passage. à qui il tournera le dos. tôt ou tard.

elle reste assise sur le bord du lit. ses mains tremblent légèrement. sa gorge est sèche. là, en bas, elle sait qu'il est là. assis dans son éternel fauteuil, à tourner les pages d'elle ne sait quelle histoire. adele redoute le moment où elle éteindra la lumière, fermera les escaliers et descendra avec appréhension les escaliers. se retrouver face à lui. aux souvenirs. à ses désirs enfouis au plus profond d'elle. mais ce qu'adele redoute par dessus tout, c'est son comportement. et si tout changeait? et s'il se braquait, se fermant à elle définitivement? parce qu'au-delà de quelques envies charnelles, ce sont surtout ces conversations qu'elle affectionne tant. son intelligence. sa culture. et sa voix qu'elle pourrait écouter autant qu'elle a écouté celle de turner. elles ont ce pouvoir particulier. celui de pouvoir l'emmener ailleurs. loin d'ici.

Baby we both know
That the nights were mainly
made for saying things
that you can say tomorrow day

pas à pas, elle descend l'escalier. se tenant fermement à la rampe. comme si, à tout moment, la structure pouvait s'effondrer. elle attend quelques instants. la lumière est allumée dans le salon. elle le sait là. elle sent sa présence. son coeur bat à la chamade. peut-il l'entendre dans ce calme plat? perçoit-il son souffle à travers les murs? adele ferme les yeux. elle qui, d'ordinaire, est cette fille bout-entrain, effrontée qui n'a peur de rien, elle pourrait se défiler devant son regard azur. pourquoi? pourquoi tant de peur? elle secoue la tête. pousse un long soupir et entre dans le salon. elle ne le regarde pas. au début, du moins. mais lorsque leurs regards se croisent, elle esquisse un léger sourire. bonsoir. qu'elle murmure presque. elle toussote et continue d'une voix plus assurée. annabelle vient juste de s'endormir. tout s'est très bien passé. on a passé l'après-midi à faire des bricolages, elle a préparé une exposition dans sa chambre. elle m'a dit qu'elle vous fera visiter demain. adele se triture les mains, prise d'un certain malaise. elle se rend compte qu'elle est restée debout. comme pour mettre de la distance entre eux. cette même distance dont elle avait si peur il y a seulement quelques instants. alors, hésitante, elle vient s'asseoir dans le fauteuil en face de celui de louis. elle l'observe. cherche le moindre détail qui lui permettrait de le percer. de le comprendre. de savoir ce qu'il ressent au fond de lui. adele se tait. les paroles restent coincées là. dans sa gorge. une force invisible les empêche de sortir. et peut-être en est-il mieux ainsi. parce que dans sa tête, elle entend à nouveau cette chanson. tais-toi alex. s'il te plaît.

I don't know if you feel the same as I do
But we could be together if you wanted to.

De nombreuses fois, Louis avait déploré le peu de temps qu'il passait en compagnie de son épouse. De nombreuses fois, il avait voulu se plaindre à Emma, il s'était même surpris à surfer sur des sites de réservations, dans l'idée de l'emmener loin d'ici, de retrouver celle qu'il avait profondément aimé que pour lui. Il avait l'impression de devoir la partager avec un tas de fringues hors de prix, que sa paie d'enseignant ne lui permettait pas de lui acheter absolument tout ce qu'elle aurait désiré. Mais désormais, il évitait presque sa femme, cessait de veiller le soir dans l'espoir de la croiser, il partait tôt le matin, évitant soigneusement son regard, mais le visage toujours inexpressif, son fin sourire toujours en place, comme si rien de grave n'était jamais arrivé. D'ailleurs en soi, le geste n'était pas grave, ça n'avait rien de compromettant, ironiquement en grand connaisseur des temps anciens, il pourrait se rapporter à la signification première d'un baiser, un simple contrat scellé. En fait, il était nettement plus terrorisé par la cause de ce baiser plutôt que par ses conséquences. C'était tout lui, chercher ce qu'il s'était passé plutôt que chercher ce qui allait se passer.
Installé dans son fauteuil, Louis était bien plus mal à l'aise que son attitude le laissait penser. Il tournait les pages de son livre régulièrement, les yeux rivés sur les pages, se préparant à l'inévitable. Parce que la grande horloge accrochée dans le salon lui rappelait que d'ici quelques minutes, quelques secondes même peut-être, Adele descendrait les escaliers, elle apparaîtrait dans le salon et Louis devrait faire face à son erreur. Ce n'était pas une erreur. Il y avait fort longtemps qu'il avait embrassé une femme comme ça, qu'un baiser avait soulevé pareil sentiment en lui. Bien sur il aimait Emma, il l'aimerait toujours, sa chère épouse, mais plus comme avant, il l'aimait sur la durée, il l'aimait constamment, son amour pour Emma faisait partie du paysage, c'était devenue une routine, agréable, douce. Ce n'était rien à comparer avec les foules d'émotions qui le submergeaient quand il rencontrait le regard de la discrète fille au pair. Adele. En cours, c'était supportable, son esprit était occupé, il n'avait pas le temps, mais depuis qu'il était à la maison, il ne pensait qu'à elle, c'était comme si son esprit scandait son prénom. Adele. Adele. Adele. Comment devait-il agir désormais? Normalement, comme si rien de fâcheux ne s'était passé? Froidement, lui faire comprendre qu'il avait fait une énorme bêtise et que si elle s'avisait à l'approcher de trop près elle pouvait dire aurevoir à son boulot? Ou bien devait-il aborder le sujet franchement? Il ne savait plus, elle le perdait, elle l'avait eu.
Depuis un moment, Louis avait remarqué qu'un morceau du plancher à l'étage, en bordure de l'escalier, craquait. Si on était suffisamment attentif, on pouvait y faire attention et savoir si quelqu'un montait ou descendait. Elle descend. C'est maintenant qu'il doit choisir quelle attitude adopter, mais incapable de trop réfléchir, toujours rouge de honte et de bêtise intérieurement, il se contente de tourner sa page, sans avoir pris le temps de la lire, continuer sa lecture coûte que coûte. Il ne pouvait pas l'ignorer éternellement, alors il leva la tête, leurs regards se croisèrent, Adele sourit, il sourit. Comme à son habitude, elle résuma la journée d'Annabelle, Louis hochant la tête en souriant, toujours amusé des exploits de sa fille. « Elle a toujours eu l'âme d'une artiste, ça doit être fabuleux, comme tout ce qui naît de ses petites mains. » dit-il l'air un peu rêveur, un peu jaloux comme à chaque fois de ne pas avoir pu assister à ça. Elle s'assit enfin, il se détendit un peu. Elle n'allait pas partir. Il referma son livre, le posant à ses pieds, puis il la regarda, soutenant le silence, n'osant pas faire un geste. Puis il chercha le regard de la jeune femme. « Parle-moi Adele. » réclama-t-il dans un souffle.

ad ne pourrait expliquer comme tout cela est arrivé. pourtant dieu sait qu'elle a tenté de mettre des mots sur la situation qui, inexorablement, lui filait entre les doigts. dieu sait qu'elle se plongeait dans les tréfonds de son esprit à l'affût du moindre souvenir qui aurait pu la mettre sur la piste. une parole. un regard. un sourire. aucun détail n'a échappé à son regard critique. et pourtant. rien. rien ne vint l'éclairer. au contraire, ils la plongèrent encore plus dans l'obscurité. peut-être. oui, peut-être, que cela ne s'explique pas. que leur histoire, cet interdit, ne se base pas sur un quelconque schéma d'explication causale. d'effets papillons. après tout, n'a-t-on jamais dit que l'amour a ses raisons que la raison ignore. parce qu'au fond, l'amour n'est pas le résultat d'une équation. l'amour, c'est une évidence. simplement.

elle a toujours eu l'âme d'une artiste, ça doit être fabuleux, comme tout ce qui naît de ses petites mains. ad hoche la tête. il est vrai que cette petite est exceptionnelle. adele ne se rappelle pas avoir été aussi imaginative et créative étant enfant. c'est dingue ce qu'une enfant de quatre ans est capable de réaliser. il n'est pas rare qu'adele soit bel et bien émerveillée, lorsque tout sourire, annabelle se tourne vers elle pour lui présenter sa dernière oeuvre. elle a une imagination débordante, c'est incroyable. lorsqu'elle vient s'asseoir dans le fauteuil, louis referme son livre. la conversation tant redoutée est inévitable. et à cette prise de conscience, une bouffée de stress envahit à nouveau la pauvre ad qui peine déjà à le contenir. parle-moi Adele. le regard plongé dans le sien, il semble la supplier. je.. mais elle ne peut aller plus loin. les mots ne veulent pas sortir. ad, lorsqu'elle est sous l'emprise du stress, perd ses moyens, est incapable de mettre de l'ordre dans ses idées et prononcer une phrase sensée. se retrouver là. devant lui. avec son regard ardent braqué sur elle. ça la fait flipper. elle baisse les yeux, espérant trouver du réconfort à la vue de ses mains. peut-être qu'en évitant de le regard, elle en sera moins déstabilisée et se déchargera de la pression qui lui pèse sur les épaules et qui lui presse le coeur.

elle relève difficilement la tête. est-ce qu'elle a envie que cette situation de malaise et d'embarras soit caractéristique de chacune de leurs futures rencontres? est-ce qu'elle a envie que ce bordel dans sa tête soit permanent? est-ce qu'elle est prête à vivre avec ce doute qui plane sur le relation et ses sentiments? non. alors, elle inspire. comme pour se donner du courage. il est temps de mettre les choses au clair. ne fut-ce que pour comprendre ce qu'il ressent vis-à-vis de toute cela. je n'arrête pas de penser à ce qu'il s'est passé. lâche-t-elle comme une bombe. maintenant qu'elle est lancée, plus moins de faire machine arrière. je me pose plein de question, j'essaie de comprendre. c'était.. magique. incroyable. doux. comme dans un rêve. je ne me suis jamais sentie aussi bien. je ne me suis jamais sentie transporter que par ce baiser. louis, s'il te plait, embrasse-moi encore. pour toujours. s'il te plait louis, ne me laisse pas. une erreur. tu es mon employeur. tu es marié. et je ne veux pas jouer le rôle de briseuse de couple. chaque mot lui écorche la gorge. lui lacère la langue. ça lui fait mal. ce n'est pas ce qu'elle veut. mais parfois, il vaut mieux être raisonnable. c'était une erreur, hein? à elle de plonger son regard dans le sien, d'y chercher cette lueur qui lui permettrait de s'assurer qu'il pense la même chose. que pour lui non plus, ce baiser était tout, sauf une erreur.

Louis aurait été tenté de faire l'autruche, parler d'Annabelle indéfiniment, faire traîner en longueur le sujet, sûrement à un moment il aurait fini par reprendre son livre, se replongeant sa lecture pour signifier à la jeune femme que leur conversation était terminée. Elle se serait levée, lui adressant un léger salut, à peine aurait-il relever le regard vers elle pour lui dire aurevoir, et il aurait mit fin à toute forme de complicité entre eux assez rapidement. Mais il ne voulait pas, c'était sa hantise, il ne supportait pas de se contenter d'un simple bilan de la journée de sa fille, il ne supportait plus. Le rouquin en attendait tellement plus, maintenant qu'il avait goûté à la douceur d'Adele, il imaginait difficilement s'en passer. Alors, ça lui faisait peur, ça l'effrayait complètement, la vague de sentiments qui l'envahissait en présence de la brunette. Pouvait-il tomber amoureux ? L'était-il déjà ? Il était marié, il aimait sa femme, mais était-il amoureux d'Emma ou bien de la jeune femme en face de lui ? Sa propre employée ? Ce n'était pas lui, entretenir une double liaison, d'autant plus avec la jeune fille au pair qu'il avait prié sa femme d'engager. Il ne voulait pas être de ce vieux cliché du père de famille qui finit par s'enfuir avec la nourrice. Il ne voulait pas, il ne pouvait pas … Encore un autre dilemme. C'est ainsi que le plus simplement du monde que le jeune homme réclame à la brune de lui parler, d'expliquer, d'argumenter, comme un professeur à son élève ? Non, il voulait que la femme parle, qu'elle lui dise ce qu'elle avait sur le cœur, qu'il sache définitivement si elle partageait le même ressenti ou s'il n'était qu'un pauvre type qui cherche désespérément à s'occuper en pleine crise conjugale.

Adele commence alors à expliquer, posément, lentement, si bien qu'il ne sut pas de suite la fin. Louis restait pendu à ses lèvres, derrière son apparente tranquillité, son flegme habituel, son esprit s'agitait, son cœur tambourinait, il se sentait rougir, puis pâlir. Tout d'abord, il restait encore sur sa réserve, il ne savait pas trop ce qu'il allait suivre, alors il hochait doucement la tête pour la pousser à la continuer. Quand la sentence tomba, il se tassa dans son fauteuil. Une erreur. Une erreur ? Le pensait-elle vraiment ou son unique but était de provoquer une réaction chez lui ? En tout cas, il resta d'abord pantois, incapable de prononcer un mot. Pourquoi voulait-elle une confirmation si elle était certaine d'avoir commis une erreur ? Il était entre deux états. Il pouvait aller dans son sens, il devrait aller dans son sens, mettre fin à toute cette mascarade, cette débâcle, ça devait finir, pour le bien de chacun, de sa famille. C'est vrai qu'il pensait aux conséquences. Emma ne laisserait pas si aisément faire, elle avait de quoi réclamer un gros divorce, lui enlever Annabelle même si ça restait peu probable. Il avait tout à perdre, mais quand il voyait ce qu'il avait à gagner … Sa fougue amoureuse, qu'il avait éteinte depuis bien longtemps, s'enlisant dans la monotone routine de la vie de couple, rythmée par les horaires de chacun, se réveillait pour faire face à la sagesse dont il aurait voulu se vanter. « Oui tu as raison. » dit-il en détournant le regard aussi vite qu'il avait lâché ça. Louis se leva brusquement de son fauteuil, le poussant même un peu dans la précipitation de son geste. Il fit le tour du salon, comme s'il était à la recherche de quelque chose. Puis finalement il revint s'asseoir à sa place, jeta un regard à Adele, bien dans les yeux pour attirer son attention. « En fait non, la véritable erreur aurait été de ne pas savoir ce que je faisais, de ne pas savoir l'assumer auprès de toi. Ce baiser n'était pas une erreur en soit, j'ai apprécié ce baiser, j'y ai pensé, et malgré toutes les répercutions que ça peut avoir, je n'arrive pas à la regretter. C'est mauvais, mais … mais ça s'est fait. » Il resta lui met bouche bée d'avoir pu aligner tout ça en un instant, lui d'ordinaire si secret sur ce qui troublait ses pensées, néanmoins il ne pouvait pas la laisser qu'il avait commis d'erreur. Pas par rapport à elle, pas par rapport à eux. Adele s'il te plaît. Semblait dire de nouveau son regard, qu'elle ne le rejette pas, qu'elle ne le repousse pas.

ad, elle s'est éprise de lui si vite. si fort. que cela la déconcerte même. ad est un coeur d'artichaut. souvent, il lui suffit d'un regard pour fondre devant le charme d'un apollon. ad, elle s'est trop souvent imaginée des histoires d'amour avec les premiers venus. mais ad, elle a très vite été désenchantée. ad, elle est amoureuse pour quelques semaines, voire quelques mois. dépassé ce stade, elle retombe de son petit nuage. la chute est longue. brutale. dépourvue de ses ailes, elle s'écrase au sol lamentablement. la réalité fait mal. mais ad, sombre folle, elle se laisse piéger une nouvelle fois, comme si l'ivresse de son ascension vers le soleil valait toutes les chutes du monde. est-ce que cette fois, ce sera différent? est-ce qu'elle pourra enfin prétendre à un vol de long terme, et ce, sans craindre un crash imminent? il faut l'avouer. au fond, elle espère que la chance sera de son côté. oui tu as raison. finalement, la chance a décidé de lui tourner le dos. encore. elle devrait en avoir l'habitude, adele. elle devrait savoir accuser le coup à force. les coins de ses lèvres s'affaissent légèrement. elle la ronge. la bouffe de l'intérieur, la déception. et elle ne prend pas la peine de la dissimuler, cette putain de déception. parce qu'adele, elle espérait. sincèrement. de toute son âme. de tout son coeur. qu'il la rassure. lui certifie que pour lui, il s'agit de tout, sauf d'une erreur. adele, elle aurait été soulagée d'un poids par le simple fait de savoir que les sentiments sont partagés. parce que rien n'est plus horrible qu'une relation à sens unique.

adele le suit des yeux lorsqu'il se lève de son fauteuil. son coeur s'accélère. ses yeux s'écarquillent, à chaque pas, emplis d'un espoir non dissimulé.  adele espère si fort qu'il s'approche d'elle qu'elle craint qu'il entende ses pensées. dans sa tête, le scénario défile irrésistiblement. lui venant à ses côtés. se rapprochant. leurs souffles se mêlant l'un à l'autre. le regard animé de cette lueur folle du désir. et leurs lèvres se scellant. une nouvelle fois. et certainement pas la dernière. ah, adele. elle ne se départira jamais de cette faculté à espérer. sans cesse. d'imaginer le meilleur. même dans le pire. tout une question d'expérience, en soi.

mais louis se rassoit. deuxième déception. en l'espace de quelques minutes. c'est trop pour ce brin de sensibilité. en fait non, la véritable erreur aurait été de ne pas savoir ce que je faisais, de ne pas savoir l'assumer auprès de toi. ce baiser n'était pas une erreur en soit, j'ai apprécié ce baiser, j'y ai pensé, et malgré toutes les répercutions que ça peut avoir, je n'arrive pas à la regretter. c'est mauvais, mais … mais ça s'est fait. adele s'imprègne de ses paroles. de chacun de ses mots. pas une erreur. apprécie. n'arrive pas à la regretter. ces mots résonnent si délicieusement à ses oreilles. et enfin, ce poids s'estompe. lentement. adele peut enfin respirer. elle le regarde. et son visage s'illumine. adele, elle arrive même à sourire. parce qu'adele, là, maintenant, elle est étrangement bien. c'est mal oui. et elle le conçoit. partage cet avis. elle pense à annabelle. à emma. malgré qu'elle ne la porte pas dans son coeur, adele n'est pas aussi mesquine au point de vouloir lui souhaiter la souffrance d'un coeur brisé. mais il y a ce mais. qui sème le doute. qui ponctue chacune de ses pensées. et qui lui fait dire que les choses ne peuvent se terminer ainsi. mais pourquoi est-ce que j'espère que ce baiser ne soit pas le seul? adele, elle lâche ça. comme ça. comme une question anodine. mesure-t-elle seulement l'ampleur de ce qu'elle vient de sous-entendre? certainement. mais adele, depuis qu'il l'a rassurée en lui affirmant le fond de ses pensées, elle meurt d'envie de vider son sac. je sais que c'est mal mais je ne peux me résoudre à considérer cela comme... rien. elle esquisse une moue à ce dernier mot. ce baiser? rien? quelle idée sordide.

Il l'avait fait. Après avoir longuement hésité, après avoir voulu se cacher derrière le masque de l'indifférence, Louis avait enfin ouvert son cœur à Adele. Oh il lui avait ouvert la porte de service, il aurait peut-être lui offrir plus, mais c'était déjà un grand pas pour lui. Il n'était pas de ce genre d'homme à chercher le danger. Toute sa vie n'était qu'une longue étendue calme, ça tourbillonnait en profondeur, mais rien de bien méchant. Il n'y avait pas un mot prononcé plus haut que l'autre, un acte plus osé que l'autre. Puis il y avait cette vague, cette vague qui peu à peu prenait de l'importance, grossissait, troublait le calme apparent. Adele. Son âme toute entière était troublée par la brunette, il ne savait comment se comporter, il ne savait comment agir. Devait-il prendre le premier vrai risque de sa vie ? En valait-elle la peine ? N'allait-elle pas le décevoir ? Et s'il ne s'agissait que d'un jeu pour elle. Peut-être était-elle simplement impressionnée par la figure qu'il incarnait, il était plus âgé, marié, père, professeur, peut-être n'était-ce qu'un espèce de fantasme de la part de l'anglaise, qu'une fois qu'il se serait abandonné à elle, elle le laisserait sur le bas côté. Il s'accrochait à son regard pour être certain de faire le bon choix, il tournait en rond, cherchant le courage nécessaire, et il se jetait à l'eau.

Il était retourné s'asseoir, et c'était peut-être mieux ainsi pour reprendre ses esprits, pour accuser le choc des confidences de la jeune femme. Celle-ci sourit légèrement et lui-même eut un fin sourire. Il trouvait ça presque risible, cette situation. Tout la contenance qu'il s'obligeait à avoir quand son être entier ne rêvait que de la prendre contre lui, l'embrasser de nouveau, de humer l'odeur de ses cheveux, de l'entendre lui chuchoter je-ne-sais quels mots doux à l'oreille. Aussi ridicule cela pouvait paraître, le rouquin n'aspirait qu'à retomber amoureux. Sa femme n'était pas disposée à ça, mais cette délicate jeune femme, loin de la control freak qu'était sa femme. Mais pourquoi est-ce que j'espère que ce baiser ne soit pas le seul? Ça résonne dans sa tête, rebondit contre les parois, percute Louis de plein fouet, il se sent faillir, défaillir. Son regard recouvre Adele, la caresse doucement, comme il aimerait temps le faire de ses propres mains. Une folle chaleur l'envahit, il se sent pousser des ailes, il aimerait se lever, la tirer par le bras pour la faire se lever, l'embrasser à ne plus pouvoir respirer, lui faire l'amour sur son vieux canapé. Mais une vieille douleur le frappe en plein cœur. Il n'a pas le droit. Il y a Emma, il y a la vie qu'il a construit au fil des années, qu'il a bâti brique après brique. Il peut bien se permettre un écart, il voudra toujours recommencer. Pour une fois, il dit merde, il se lève de son fauteuil. Il s'approche lentement, conscient de l'importance de ce qu'il faisait. Tout aussi doucement, il s'accroupit, ses genoux frôlant ceux d'Ad au passage. Délicatement, il prit ses mains dans les siennes. Avec une lenteur toute mesurée, il posa ses lèvres sur le bout de ses doigts, sur le dos de sa main. Le dire à voix haute était trop dangereux, il s'y arrivait pas, mais son regard en disait plus que n'importe quel mot, n'importe quelle phrase. Il resta longtemps comme ça sans rien dire, son regard planté dans celui d'Adele, ses lèvres appuyées contre la main de la jeune femme. « Ça ne signifie pas rien. » chuchota-t-il, à peine perceptible, relâchant les mains de la jeune femme. Il se releva doucement, restant néanmoins debout, en face du fauteuil de la jeune femme, les mains dans les poches, la dévorant du regard. « Je ne comprends rien, je ne comprends plus. » Il parlait de cette folie douce qui les atteignait, des doutes qu'elle posait sur son existence, de comment ils en étaient arrivés là. L'amour était une évidence, cela se faisait naturellement, sans forcer, voilà ce qu'il s'était toujours dit, dés les premiers rendez-vous avec celle qui allait devenir sa femme. Avec Adele, il remettait en doute plein de principes, mais celui-ci ne devait pas en être, aussi risqué que ça pouvait être.

adele ne cache pas sa surprise. il se lève. rompt la distance. intrépide, louis. le héro, louis. son coeur tambourine contre sa poitrine. le rythme s'accélère à mesure qu'il approche. son regard le supplie. de continuer. de poursuivre son avancée. de venir la rejoindre. là. maintenant. louis l'intercepte. décèle le message. en avait-il seulement besoin de cette supplication? il semble si résolu. et dieu, cette détermination l'emplit d'une vague de chaleur réconfortante. il est là devant elle. s'agenouille. lente descente interminable. et enfin, face à elle. les regards s'enlacent. les souffles s'harmonisent. leurs préoccupations s'envolent. c'est si simple avec louis. si simple, oui. trop simple, peut-être. il s'empare de ses mains. les porte à ses lèvres. il reste quelques instants ainsi. le bout de ses doigts contre sa bouche. instinctivement, les doigts de la belle caressent doucement sa lèvre inférieure. adele en est hypnotisée. adele en est obnubilée. elle imagine ses lèvres courir le long de son bras, remonter jusqu'au creux de son cou. elle s'imagine poser ses mains sur ses hanches et d'une légère pression l'inciter à s'approcher encore d'elle, de réduire à néant les quelques centimètres, des mètres aux yeux d'adele, qui les séparent encore. malheureuse distance. elle s'imagine rencontrer à nouveau ses lèvres. si douces. si fermes. baiser chaste. baiser fougueux. baiser ardent. oh, louis.

mais louis se relève. cependant, il ne la quitte pas des yeux. adele lève la tête, incapable de rompre ce lien qui les unit. je ne comprends rien, je ne comprends plus. et adele le voit. sur ses traits. dans ses yeux. à ses sourcils qui se fronce imperceptiblement le trouble qui l'habite. le doute. l'incompréhension. adele le comprend. que trop bien. son coeur balance entre l'amour de jeunesse et l'amour imprévu. entre la sécurité et le risque. entre la stabilité et la nouveauté. si la route semblait paisible jusqu'ici, louis se retrouve face à cette intersection. emma poursuit sa route, l'interpelle d'un geste la main. mais louis. louis tourne la tête, croise le regard envoûtant d'adele, assise sur le bord de la route. la main en visière, elle le contemple, se relève et arbore ce sourire naïf qui la caractérise tant. deux chemins. deux choix de vie. deux femmes. mais c'est trop pour un seul homme.

alors, adele, elle se lève également. sa poitrine frôle le torse de louis. sourire bref sur les lèvres, elle encadre son visage de ses mains. regarde-moi louis. comme si elle avait ce pouvoir de l'apaiser. peut-être est-ce une prétention de l'assurer. prétention que seule son épouse peut s'accorder. mais adele se plaît à y croire également. et s'il n'y avait rien à comprendre? et si c'était juste là? elle hausse les épaules. je suis la fautive, lui dit-elle. je suis celle qui a foutu ce bordel dans ta tête. dans ton coeur. dans ta vie. mais son minois l'excuse. adoucit la haine. et on finit par l'accepter. par se laisser appâter devant tant de candeur. tu t'es laissé piégé, louis. mais ce sentiment ne doit pas t'être inconnu. tu es un ancien captif, louis. ce survivant qui y a déjà goûté aux saveurs des premiers instants. ses mains retombent. cherchent les siennes, comme pour lui donner cette force qui la consume, dans ce petit bout de femme. ce ne sera pas louis qui, comme elle l'espérait renouera avec le souvenir du baiser précédent. c'est elle. adele. qui dans un sursaut, laissa ses lèvres retrouver les siennes. c'est doux. c'est simple. comme eux. elle l'embrasse, le coeur au bord des lèvres. et lorsqu'elle détache ses lèvres des siennes, elle garde les yeux fermés. le front posé contre le sien. je suis désolée louis. mais peut-être que... elle ne termine pas sa phrase. peut-être qu'il devait en être ainsi, non? peut-être qu'il était écrit quelque part que leurs chemins se croiseraient? louis, ne l'as-tu pas lu dans ces nombreux livres que tu dévores, l'histoire de ces deux amants à l'histoire heureuse?

Louis se perd dans ses prunelles brunes, il s'y enfonce, il s'y noie. Elle semble tout comprendre, derrière ses iris, elle semblait desceller la moindre pensée qui traversait son esprit. Il se sentait soudain léger, jeune, plein de fougue, il se revoyait, la vingtaine flamboyante, il se revoyait à cet âge-là, enchaînant les actes irraisonnés, il se revoyait vivre. Il piétinait dans sa vie morne et sans surprise. Elle s'y était imposée, comme une évidence, comme s'il l'avait attendue, comme si c'était son rôle. Elle était la princesse venue réveiller le prince endormi, pour une fois, vive le changement. Il s'autorisait un contact physique. Jamais des mains en lui avaient semblé si attirantes. C'était un geste simple, mais il défiait quiconque de dire que ce n'était pas un geste d'amour. Il se releva finalement, c'était des bêtises, ils n'étaient pas sérieux, aux yeux du monde, ils n'avaient pas le droit. Mais quand il plongeait son regard dans celui de la jeune femme une nouvelle fois, rien ne lui semblait plus réel et sérieux que leur complicité, et la douce chaleur que son contact déclenchait au fond de son ventre.

Lentement elle se leva. Durant ce court instant, quelques secondes tout au juste pour un simple spectateur, le rouquin en profita largement. Son regard quitta les yeux pourtant si confortables d'Adele. Il glissa sur son cou, au creux de celui-ci où il aimerait tant poser son visage, tant y poser ses lèvres. Ses cheveux bruns cachaient un peu ses fines épaules, il voulait y poser une main, la dénuder doucement, poser ses lèvres aussi. Ses yeux dérapèrent sur son décolleté, il s'imaginait toucher sa douce poitrine du bout des doigts. Puis il glissa plus bas, son ventre plat, qu'il devinait doux, comme elle entière. Elle était désormais debout, l'obligeant à relever le regard. De ses mains délicates, elle entoura son visage, il se sentit de nouveau fondre. Il avait beau chercher, quelque chose qui la rendrait moins belle, moins elle, rien n'y faisait. Elle attrapa ses mains, il les serra tendrement. « Ça ne peut pas être aussi simple. » Pourtant qu'est-ce qu'il aurait aimé ! Il la vit s'approcher, devinant ses intentions, il ne la repoussa pas le moins du monde, au contraire, il chercha à prolonger ce baiser, mourir contre ses lèvres. Elle s'éloigna finalement, il la retint pour qu'elle ne parte pas trop loin. D'un geste mesuré, il caressa sa joue, dégagea son épaule comme il avait voulu le faire plus tôt de ses cheveux. Ses doigts se perdirent dans sa chevelure soyeuse, longuement il répéta le même geste. Plus il le faisait, plus le temps passait, plus il se rapprochait du retour d'Emma, plus cela devenait dangereux, plus Annabelle avait de chance de se réveiller, de les arrêter dans leur élan. « C'est dangereux Adele. » Pas pour lui, il était grand, il était un vieil adulte, il assumerait, il ne pourrait faire que ça. Il avait déjà un travail stable, il était assez grand pour gérer un divorce, pour gérer sa femme. Mais que ferait Adele si cette aventure venait à se savoir ? Il ne voulait pas briser sa vie parce qu'il s'ennuyait dans la sienne. C'était lui le salop, il ne voulait pas la faire passer pour la méchante fille. Il lâcha ses cheveux, hésita une seconde avant de lui voler un nouveau baiser. Il s'en voulait de se détruire, de prendre le risque de la détruire. Mais il ne lâcha pas ses lèvres, peu importe ce qui pouvait bien se passer autour d'eux.