La semaine est bientôt finie, plus que quelques jours, quelques heures et je pourrais enfin me reposer une journée entière. J’aime mon travail, j’adore cette relation client et pourtant, après avoir fini une journée de cours éreintante je ne rêve que de m’étaler sur mon lit, et non pas d’enchainer avec des heures de travail, dans la cacophonie immense qu’est le Starbucks d’Omaha. Le seul point positif, était que j’allais pouvoir retrouver Liz, ma colocataire, que je n’ai pas réussi à voir de toute la journée, et à qui j’ai énormément de chose à raconter. En arrivant sur les lieux 10 minutes à l’avance, j’ai eu un peu de temps avant le roulement d’équipes, j’en profitais donc pour me préparer un café frappé, spécial Ireland, et m’installa vêtu de l’uniforme à une des tables près du comptoir. Quelques instants plus tard, j’étais la tête plongée dans le travail, plus souriante et sociable que jamais. Ces moments étaient très précieux, Liz était arrivée avec quelques minutes de retard, mais j’ai su la couvrir auprès de patron, en prétextant un rendez-vous médical important, mais peu importe l’excuse, j’ai toujours pensé que notre patron, plutôt jeune, avait un énorme coup de cœur pour ma colocataire, blonde aux yeux bleus. Qui peux l’en blâmer ? Même moi je la trouve canon ! Deux heures après le début de mon service, je décide de prendre une pause, et ma copine me suivit, pour un peu de ragot autour d’un café, et d’un bon muffin. «  Avant de commencer, je suis sûre que le patron est passé en mode flirt avec toi, c’est pas possible autrement ! Il n’a rien dit pour ton retard, et tu n’as pas remarqué les yeux doux qu’il te lançait ? C’est comme si il te cherchait constamment du regard, c’est dingue ! Je t’envie un peu là ! », mais ma colocataire balaya ma remarque d’un signe de main, et me fit comprendre que je ne devais pas aller plus loin sur le sujet. Après avoir discuté sur tous nos collègues, c’était l’heure de reprendre du service, et j’étais prête à affronter ces deux dernières heures de la journée, avec enthousiasme. Mais jamais rien ne se passe comme prévu, n’est-ce pas ce qu’on dit ? Alors que je venais de servir un client, ce dernier s’est mis à m’insulter, et à m’a soudainement mit une gifle. La gravité eue raison de moi, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, je me retrouvai inconsciente, sur le sol du Starbucks café.

J’étais à New York, assise sur les marches de mon ancien lycée. Un livre sur les genoux, j’étais plongé dedans, de la tête aux pieds. L’histoire était tellement intense, les personnages addictifs, que je n’entendais pas la voix pourtant stridente et aiguë de la pimbêche. Je me forçais à ne pas répondre, pour qu’elle me laisse tranquille, mais ça ne marchait pas, elle continuait. C’était la fille la plus persistante que je connaisse, et ce n’est pas un compliment dans ce cas. J’entendais le bruit de ses talons aiguilles frapper le sol, de plus en plus proche, trop proche à mon goût. En l’espace d’une seconde, le livre passa de mes genoux à trente mètres plus loin sur le sol. Et dans une dernière tentative d’intimidation, elle pose sa main sur mon épaule, et mon poussa en avant, tête la première vers le sol. Puis, je sentis une douleur intense à l’arrière de mon crâne, qui vient se répercuter dans toute ma tête. C’est insupportable, la douleur est trop vive. J’essaie d’ouvrir les yeux, mais la lumière me brûle. J’essaie de parler, mais quelques mots à peine sortent de ma bouche desséchée. Dans l’embrasure de mes paupières je distingue de longs cheveux blonds, et d’énormes yeux bleus avant d’entendre sa voix. « Ça va ma belle ? », son sourire, « On devrait peut-être appeler les pompiers pour qu’ils l’emmènent à l’hôpital pour être sûre qu’elle n’a rien non ? » sur ces mots je gémis, et grimace. Le bruit, additionner à la voix de ma colocataire me donnait une migraine insupportable, mais je n’avais absolument aucune envie d’aller à l’hôpital, il y a trop de mauvais souvenirs. Toute mon adolescence n’a été qu’hôpital. A partir du moment où j’ai appris que ma mère était atteinte d’un cancer en phase avancée, je ne voulais plus la quitter, je ne pouvais pas. C’était comme si chaque moment passés loin d’elle étaient du gâchis. Il m’arrivait de sécher certains cours pour rester avec elle dans les moments où elle se sentait trop faible pour faire quoi que ce soit. Dans ses moments de lucidité, lorsqu’elle n’était pas endormie ou complètement transportée à cause de la morphine, ma mère me disait à qu’elle point elle regrettée de ne pas avoir fait plus avec moi. Elle aurait voulu être plus présente, qu’on se trouve une passion commune, que ce soit la musique, le dessin, la danse, la mode, n’importe toi tant qu’on avait un lien culturel qui nous unissait. Elle m’a aussi fait promettre de ne jamais laisser tomber mon père, qu’après son départ il aurait autant de besoin de moi, que j’aurais besoin de lui. Que sa femme lui manquerait, autant que ma mère me manquerait. C’est la seule promesse que j’ai brisée en toute une vie, et je m’en voudrais toujours. Mais je ne pouvais pas vivre, vivre la vie qu’elle aurait dû vivre, et rester avec mon père. J’aurais fini par mourir aussi, d’une toute autre forme de mort. Les mots de ma colocataire résonnaient à nouveau dans ma tête « il faut appeler les pompiers … qu’ils l’emmènent à l’hôpital ». « Non, Liz ». J’ai réussi à ouvrir les yeux, assez pour qu’elle voit à qu’elle point j’avais besoin d’elle, besoin qu’elle me comprenne. Des larmes se formaient aux coins de mes yeux.

Je venais de fermer les yeux quand j’ai senti mon corps se faire soulever. Dans le fonds, j’entendais des dizaines de discussions différentes. J’essayais de me concentrer sur une en particulier, une qui venait de tout près. Tous les clients étaient sous le choc, et n’en revenait pas de voir autant de violence, pour une cause qui devait avoir été mineure, nous ne sommes que dans un après tout. Alors que Jim, si je reconnais bien le son de sa voix, me déposait sur le canapé de la salle de repos, je commençais enfin à retrouver une conscience à peut-prêt stable quand Elizabeth, s’assit à côté de moi, et soulevait ma tête pour la poser sur ses genoux. Elle était encore inquiète, je pouvais le sentir dans ses gestes, elle me caressait les cheveux, assez frénétiquement, doucement, me montrant son côté protectrice. Ca me fit sourire, Elizabeth, protectrice, voilà que les rôles s’inversent. J’ai énormément prit l’habitude de surveiller ses fréquentations, de m’engueuler avec elle quand je pressentais qu’une de ses fréquentations n’était pas toute à fait honnête avec elle. J’appréciais qu’elle me rende toute cette affection, cet amour, comme des sœurs. « T’es sûre que ça va aller comme ça ? » me demandait-t-elle, mais au même moment, notre chef se mit à lui parler, pour prendre des nouvelles, et autres. Une fois qu’il était hors de la salle de repos, et que tout était très calme, je pus souffler, et ça me fit énormément de bien. Jusqu’à que ma colocataire se mit à pouffer de rire, d’un rire tellement communicatif, que, même si je ne connaissais pas la raison exacte de son fou rire, ça me faisait du bien. Je rigolais avec elle avant qu’elle ne dise « Bon t’avais peut-être raison, mais je pense que tu plais aussi ! Mais on ne va pas se plaindre, ça fait du bien d’avoir le patron dans la poche hein ?! » Je fis une mine surprise, avant de lui donner un léger coup sur l’avant-bras. « N’importe quoi ! Il est gentil seulement parce-que j’ai été mise à terre, c’est de la compassion, puis il fait ça pour moi car il sait qu’on est proche ! Il veut te montrer qu’il peut être attentionné » répondis-je avec un sourire narquois aux lèvres. Je déplaçais sa main, pour m’asseoir lentement. A part un léger mal de tête, j’allais physiquement bien. Je regardais mon amie dans les yeux en souriant. « Jim a dit qu’il n’avait pas besoin de nous, et je pense qu’on devrait en profiter. J’ai besoin de repos, quoi de mieux qu’une soirée entre amis, devant un bon film avec un tas de nourriture aussi immense que l’Himalaya ? » Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas retrouver pour une soirée au calme. Elizabeth avait tendance à préférer sortir, et s’amuser, et je la suivais parce-que c’est ce que je fais avec mes amis, j’aime les voir content puis au final je finis par m’amuser tout autant. Je me relevais, passais un léger coup sur mes vêtements, partais  à la recherche de mon sac à main en attendant sa réponse.