La solitude finit par me peser, en réalité. Et je suis bien incapable de comprendre pourquoi. J’ai passé bien trop d’années au côté d’un seul homme. Le seul qui était capable de me dévorer de l’intérieur avec des mots d’amour. Je me suis noyée sous ses mensonges. Sous ses excuses aussi, puisqu’il semblait être vraiment doué avec ça. Aujourd’hui, je me sens seule alors que je me sens tout autant libre. Je peux enfin faire ce que je veux, et je ne suis pas heureuse. J’imagine qu’il m’a tout prix, ou en tout cas, c’est une chose que je n’ai pas tardé à comprendre. Et je déteste cette idée. Je déteste le principe qui puisse dire qu’il m’a tout volé, et même ma joie de vivre. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, et j’aimerais qu’il s’en rende compte. Mais cela n’a rien de simple. Alors oui, je tente d’aller de l’avant, j’avance en reculant plus encore. Je suis toujours prise au piège, en réalité, et je commence à croire que cela ne changera pas. J’ai l’impression que je continuerais à tomber à chaque pas que je ferais. Je ne trouve pas la solution magique qui me permettra d’arrêter de flipper dès qu’il se passe un truc, dès qu’il y a un bruit, un peu trop près, dès que quelqu’un avance vers moi sans que je ne l’y ai invité. C’est là que j’en suis, à flipper pour un rien, à me persuader que je continuerais à tomber au fond du gouffre à chaque fois que je penserais que je vais mieux. Mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Et j’aimerais que l’on s’en aperçoive. Je fais de mon mieux, en tout cas, et ce n’est peut-être pas flagrant pour tout le monde.

Lorsque l’on me croise dans la rue, je suis persuadée que l’on se pose des questions. Je suis intimidée par le monde, je flippe pour un rien, je tente d’aller de l’avant, je tente de faire de mon mieux mais cela ne veut pas dire que cela fonctionne. Et justement, c’est ça le gros du problème. Je fais de mon mieux. Bordel, il serait temps pour moi de me reprendre, c’est la seule chose qui ait vraiment de l’importance. Le reste, cela ne compte qu’à moitié. Ou en tout cas, c’est ce dont j’essaie de me convaincre. Mais ce n’est pas gagné et c’est surtout à ça que je pense. Il faut que je me reprenne, que cela me plaise ou non. Et ça, c’est loin d’être évident. C’est tout ce que je sais. Le reste, je n’y connais rien. Et je me moque de savoir à quoi je peux ressembler, devant les gens. La seule chose que je sais, c’est qu’au vu de mon passé, je me relève bien. Je fais absolument tout ce que je peux pour aller de l’avant. Et je suppose que c’est le plus important.  Il faut juste que je fasse attention maintenant. Mais je suis persuadée que si je tombe, une nouvelle fois, je m’écroulerais clairement. Je peux m’effondrer, oui, à tout moment. Et c’est à moi de faire ce qu’il faut pour que je puisse m’en sortir. Tout est entre mes mains.

Mais lorsque j’heurte quelqu’un, en marchant bêtement, je sursaute aussitôt. Un homme, qui ne me dit pas grand-chose, bien qu’il me semble l’avoir déjà croisé. « Je… Désolée ».

L’air est frais et pourtant, il me caresse doucement la peau et je ne le sens qu’à peine. Je suis suffisamment couverte, j’imagine, et je n’ai guère besoin de me couvrir davantage. Je me sens bien, un fin sourire sur les lèvres mais voilà qu’un jeune homme me rentre dedans et comme à chaque fois, je sens la panique s’emparer de moi. Un homme, en contact presque direct… Je ne peux pas prétendre que cela ne me terrifie pas, puisque je ne sais jamais comment me comporter dans ce genre de situation. Je finis toujours par avoir la tête qui tourne, le cœur qui palpite et les mains qui tremblent. A chaque fois, j’ai peur de perdre le contrôle, peur de voir l’autre se comporter comme Lui. J’ai peur de mourir, à chaque fois, à chaque seconde. Et je ne sais tout simplement pas ce que je suis supposée faire pour que la situation s’arrange pour moi. Il me faut du temps et avec la vie, on n’en a jamais comme on pourrait le souhaiter. Voilà où se trouve la complication, dans tout ça. J’ai beau chercher à ce que les choses se passent au mieux possible, cela semble plus compliqué que prévu et je ne sais plus où donner de la tête. Je craque, flippe pour un rien… Je suis terrifiée alors que plus jamais, je ne permettrais que l’on me fasse du mal. Je refuse d’être une victime toute ma vie. « Je vais très bien oui, plus de peur que de mal, dirons-nous ». J’hausse les épaules, disons plutôt que je n’ai pas envie de vraiment faire attention à la douleur. Je me dois de rester au garde à vous, d’une certaine manière. Je dois me protéger. Je l’ai déjà vu, une fois. Ou deux peut-être. Je ne fais pas vraiment attention à tout ça mais j’irais plutôt prétendre que je sais reconnaître quelqu’un quand je l’ai déjà vu. Un peu, parfois… Mais bon. Il s’excuse, alors que nous sommes tous les deux responsables et je trouve cela relativement noble, cela me fait du bien. Au moins, il avoue ses torts, ce qu’une personne sur deux ne fait pas. « Je suis tout aussi responsable que vous alors je suppose que je m’excuse aussi.. ». Et cela me fait du bien, donc. Sauf quand il se présente, ça me fait bizarre, encore plus quand il me dit que l’on s’est déjà vu plusieurs fois. Comment peut-il retenir mon visage ? Pourquoi surtout ? Je me sens un peu apeurée, au coin du mur. « Fauve. Et peut-être, je ne fais pas vraiment attention. ». Ne jamais dire à un homme qui vous a remarqué que vous l’avez remarqué aussi. J’ai appris la leçon.

hj : c'pas terrible, je me rattraperais au prochain