La pluie. Encore la pluie. Toujours la pluie. Il n'en pouvait plus. Elle l'éreintait, pesant sur ses épaules fatiguées. Elle venait creuser sa peau, alourdir ses vêtements, refroidir les moindres muscles qui luttaient contre la fatigue. Le moral aussi était à la baisse. La pluie venait noircir la moindre de ses journées, les meilleurs de ses moments. C'est bien simple, ce sale temps lui donnait le cafard, plus encore que sa situation amoureuse compliquée. Les mains dans les poches, la tête rentrée dans son écharpe, le regard au sol, il avançait. Il avait passé l'après midi à faire l'inventaire avec Lee et rentrait chez lui prendre une douche. Il lui avait proposé de s'occuper du service ce soir, encore. Il bossait tout le temps en ce moment. Ça faisait du bien, cette bulle de confort loin de ses problèmes. Loin de la pluie aussi. Hors du bar la pluie tombait drue. Pourquoi diable avait-il fallut qu'il oubli son parapluie ? Soudainement une vague d'intempéries plus fortes le surprirent, le trempant complètement. La maison ? Trop loin. Sans plus attendre il entra dans la première boutique à sa gauche, mettant pour la première fois en trente an à Omaha les pieds dans la galerie d'art, aussi pompeuse que dans toutes ses présomptions. Il laissa la porte se fermer d'elle même alors que la chaleur du lieu venait gifler ses joues fraiches. Un simple hochement de tête envers le propriétaire qu'il lui semblait avoir croisé à plusieurs réunions de commerçants. La boutique n'était pas vide étrangement, cependant Andy ne porta pas plus d'attention aux autres personnes alors qu'il secouait la tête, ébrouant ses cheveux fins. Partout autour des oeuvres, de l'"art" d'après l'enseigne. Un tas de tableaux mal fini et de statuettes aux formes innommables. Lui qui n'était déjà pas très art, le vieux marché d'art d'Omaha était d'après lui une bonne blague. Mais au moins ici, il faisait plus chaud. Après une courte exploration il se tourna vers la fenêtre le regard perdu au dehors. Espérant que la pluie cesserait enfin, et qu'il pourrait rentrer chez lui.

Le tempérament de Georgie était en parfait conformité avec la couleur gris du ciel. Elle était morose et nerveuse. Au début les gens l'avaient trouvé barbouillé, ils l'avaient pensé malade, mais c'était tout autre chose, un chagrin, un chagrin d'amour. En un sens elle était malade, malade du coeur. Elle ne voulait pas croiser de voisins, ni d'amis dans la rue, elle détestait le fait de croiser ses collègues au bureau, mais sur ce point là elle n'y pouvait rien. Elle ne voulait croiser le chemin de personne qu'elle ne connaissait, simplement pour ne pas avoir à parler. Alors une fois son travail terminé, elle ne s'éternisa pas, contrairement à ses habitudes précédentes où elle était réputée pour être l'une des personnes les plus sociables de la boite, et fila sous la pluie. Elle ne prenait jamais de parapluie, jamais, parce qu'elle n'aimait pas ça, parce qu'elle le perdait toujours, et parce qu'elle n'avait pas peur de la pluie. Elle n'était pas en sucre, se plaisait-elle à répéter souvent. Quant à ses cheveux, elle se fichait bien qu'ils frisent. Elle marcha pendant une bonne dizaine de minutes, sous une pluie fine, les gouttes grossissant au fur et à mesure, jusqu'à que ce soit de véritables cordes qui lui tombent dessus. Finalement elle se résolu à l'évidence qu'il lui fallait s'abriter, si elle ne voulait pas tomber malade et être confinée à la maison, sans plus aucun espoir d'échappatoire. Car oui, son travail représentait le seul échappatoire qui lui permet de se vider la tête et de tenir le coup dans la crise sentimentale qu'elle traversait. ''Je vous prie de m'excuser, j'entre juste le temps que la pluie se calme un peu. Je ne vous dérange pas trop ?" Demanda-t-elle avec une petite grimace désolée. Elle pensait vraiment être la seule à avoir été assez stupide pour oublier un parapluie par un temps pareil. Elle pensait vraiment avoir à faire à des amateurs d'art. Elle craignait même de faire son interruption au plein milieu d'une visite guidée. Pourtant elle aurait du s'en douter ce matin en tirant les rideaux et en ouvrant ses volets, le temps était beaucoup trop chargé pour croire que la pluie n'allait pas tomber dans la journée. Et puis il y avait la météo, la veille au soir et même au petit matin. Il faut croire qu'elle avait vraiment la tête ailleurs ces temps-ci. Et c'était bien vrai. La situation ne s'arrangeait pas avec Oliver. Elle pataugeait, elle stagnait même. Le seul réconfort, c'était qu'elle n'empirait pas, tout du moins pas encore.

Cette foutue pluie semblait redoubler d'intensité au fur et à mesure que les minutes passaient et il se demanda un moment si il reverrait un jour sa demeure. C'était comme si personne n'avait été foutu de réparer cette fuite qui grossissait encore et encore alors que la pression de l'eau se faisait toujours plus forte. Tous dehors semblaient s'être mit à courir en même temps, se dirigeant vers des abris plus ou moins pertinents, le laissant perplexe face à l'intelligence de la race humaine. Certains le firent rire alors que des parapluies se retournaient et que des voitures venaient éclabousser les plus malchanceux. La légère sonnette de la porte d'entrée tinta et se dessina à la porte la silhouette d'une Zoé complètement trempé. Andy la regarda fixer les oeuvres d'un drôle d'air, s'empêchant de rigoler face à son air perdu. Puis il lui adressa un signe, la faisant venir. « Lovegood ! Je ne savais pas que tu étais amatrice d'art. » Lui lança-t-il avec un sourire. Elle n'était visiblement pas là pour ça. À sa suite entra une femme, une blonde aux airs plutôt chic. Il lui semblait l'avoir vu plusieurs fois, sans pour autant être capable de la resituer correctement. Si les deux premiers avaient feint de s'intéresser à l'endroit, elle était bien plus directe quant à sa présence ici. Il allait lui répondre à la place du gérant lorsque Bryan fit son arrivé. « Jackpot ! » Un sourire plus grand encore se forma sur son visage alors qu'il se dirigeait vers les deux derniers arrivés. « C'est dommage, je ne suis pas sur qu'on se trouvent un café dans le coin. Nous aurions pu faire un club débat sur la beauté parfaite de ces... oeuvres ? » Se tournant vers Bryan, il le dévisagea. « Ç va vieux ? Tu m'as l'air perturbé. C'est la pluie qui te fait ça ? » Ils allaient resté coincer un moment là, autant qu'il se mette à l'aise. La boutique ne l'avait jamais vraiment attiré mais cette ambiance cosy face au bruit de la pluie contre les vitres lui lui donnaient une atmosphère plaisante. Une bulle de chaleur dans un monde trempé.